Les interminables négociations épisodiques, menées dans le cadre de la régularisation de la situation des ouvriers de chantier, n’ont pas été suivies d’effet. Aucun gouvernement n’a osé prendre des mesures concrètes. Dix ans sont déjà passés sans que les concernés aient gain de cause.
Un gouvernement s’en va, un autre arrive, sans que la situation, les doléances et les revendications des ouvriers de chantier ne soient satisfaites. Ce dossier dont on a trop parlé refait aujourd’hui surface. Samedi dernier, il était au cœur de l’entretien Mechichi-Taboubi, dans la perspective de venir à bout de cette situation socioprofessionnelle assez précaire. Objectif : donner suite aux revendications de pas moins de 60 mille travailleurs temporaires, jusque-là sans couverture sociale ni sanitaire. Ces derniers, qui n’ont cessé de protester, monter au créneau et parfois lâcher du lest, aspirent à la régularisation de leur situation, pour pouvoir bénéficier de leurs droits les plus élémentaires.
Toutefois, leurs paroles semblaient tomber dans l’oreille d’un sourd, d’autant que les multiples accords conclus à l’arraché entre les gouvernements post-révolution et l’Ugtt sont restés, hélas, lettre morte. Et les interminables négociations épisodiques, menées dans ce cadre, n’ont pas été suivies d’effet. Aucun gouvernement n’a osé prendre des mesures concrètes. Dix ans sont déjà passés sans que les ouvriers de chantier aient gain de cause. Il n’y a guère, semble-t-il, de solution ! Faute de quoi, leur coordination nationale a décidé de ne plus reculer.
Pour elle, c’est une question de dignité. En juillet dernier, un imposant rassemblement a eu lieu sur l’esplanade de La Kasbah, à Tunis, afin de mettre la pression sur l’ex-gouvernement et le forcer à satisfaire leurs demandes. Répondant aux appels de leur coordination, les travailleurs de chantier dans toutes les régions semblent revenir à la charge. Ils se donneront rendez-vous le 13 octobre prochain, au même endroit dans la capitale, sur fond d’un mouvement national, lit-on dans un communiqué rendu public hier matin.
Sami Khlifi, coordinateur national du mouvement, a exhorté les manifestants à faire preuve de responsabilité et de solidarité pour ne pas déraper. Lui et ses collègues se sont, d’ailleurs, montrés attachés au dialogue et à la négociation. Pour eux, trouver un terrain d’entente serait la meilleure solution.
Question de volonté !
Une telle solution semble pouvoir faire l’unanimité. Lors de l’entrevue qu’il a eue avec le secrétaire général de la centrale syndicale, le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, avait insisté sur la recherche d’une formule consensuelle de partage des charges dans le but d’améliorer les conditions socioéconomiques des citoyens.
Cela pourrait, pour ainsi dire, apaiser les tensions et instaurer la paix sociale. Mais qu’attend-on, alors, pour y arriver ? Surtout que tous les gouvernements qui se sont succédé ont reconnu la légitimité des revendications de ces ouvriers de chantier. Le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, devrait prendre le taureau par les cornes. La balle est dans son camp. Aura-t-il la volonté de trancher? Un jour, ses propos sur un plateau télévisé avaient mis du baume au cœur : « Aucun ouvrier de chantier ne sera congédié», avait-il ainsi déclaré, sans nier que le déblocage de la situation n’est pas aussi facile, vu les difficultés rencontrées à bien des égards. Pourquoi ?
Droit acquis ?
Tout d’abord, un problème d’intégration à l’échelle des régions intérieures qui manquent d’entreprises et de potentiel professionnel assez suffisant. Ensuite, les profils très limités que présentent ces ouvriers dont la majorité sont quasiment analphabètes ou déscolarisés. N’empêche, leur recrutement, une bonne fois pour toutes, demeure, selon ladite coordination, un droit acquis. Maintenant que les dés sont jetés, il n’y a plus raison pour qu’ils soient remerciés ou marginalisés, pensent certains. Quitte à devenir une bombe à retardement. Ventre affamé n’a point d’oreilles, dit l’adage.